La préparation du pain plat éthiopien avec Tsehay

sept. 14, 2018
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Dans cette série, nous vous présentons quatre Éthiopiennes inspirantes qui ont des recettes à montrer et des histoires d’espoir et de courage à partager.

Je courbe ma tête pour passer par la porte de la maison de terre de Tsehay. Elle nous fait un énorme sourire, mais elle ne passe pas trop de temps à échanger des civilités. Aujourd’hui, c’est le jour de la préparation du pain. Avec un foyer comptant huit enfants et une équipe de travailleurs agricoles à nourrir, c’est une femme occupée!

Les flammes orange et rouge sous le petit poêle à bois de Tsehay lèchent le dessous de sa plaque de cuisson en fonte. Je l’observe alors qu’elle se déplace rapidement dans la pièce sans arrêt. Les activités du foyer et de la famille ne s’arrêtent pas pour la préparation du pain.


Alimenter le feu pour faire l’injera! Photo : Dennis Prescott

Je m’apprête à apprendre au sujet d’un aliment que j’ai dégusté avec chaque repas depuis mon arrivée en Éthiopie. L’injera est un pain plat ressemblant à une crêpe qui est si essentiel aux repas ici. Il est même servi à bord des vols de la compagnie Ethiopian Airlines!

L’injera sert à la fois de nourriture et d’ustensile. J’ai déjà appris à déchirer des morceaux et à m’en servir pour ramasser et prendre les viandes et les légumes déposés à la louche sur le dessus. Ce pain plat a un goût que j’ai appris à aimer, presque comme du pain au levain. Je vais bientôt y goûter dans son état le plus frais, tiré directement de la plaque de cuisson de Tsehay.

C’est le moment que j’attendais.

Le fondement des repas

L’injera est le fondement de tous les repas éthiopiens, mais il s’agit de bien plus. Ce simple pain plat est un symbole de la ténacité du peuple, leur don de transformer les plus petites graines en quelque chose de puissant. Cet humble produit de cuisson est riche en nutriments indispensables à la croissance des enfants pour qu’ils soient forts et en bonne santé.
 
 
Tsehay et trois de ses huit enfants en santé, dont deux sont parrainés. Photo : Brett Tarver
 
Pendant qu’elle travaille, Tsehay nous parle de sa famille. Son mari est décédé il y a quelques années. Elle est maintenant seule à élever huit enfants, ce qui est en soi tout un défi. De grandes parties de ses journées de travail sont consacrées à nourrir ses enfants.

Pendant qu’elle verse la pâte, Tsehay décrit la façon dont elle cultive elle-même des grains, des fruits et des légumes qu’elle échange contre d’autres produits grâce à une coopérative de jardinage locale. Des ventres dans toute la communauté sont remplis d’options délicieuses de diverses couleurs et riches en nutriments.
Alors qu’elle nous accueille chez elle, Tseday s’affaire aussi à la préparation du grand repas du midi pour les travailleurs agricoles migrants qui cultivent les terres de la communauté. C’est le début de la saison d’ensemencement, et les fermes bourdonnent d’activité.

Mais Tsehay est patiente et de bonne humeur alors qu’elle montre à nous ses visiteurs comment les Éthiopiens préparent leur pain quotidien. Ses mains travaillent rapidement et habilement, et la maison se remplit du merveilleux arôme du pain fraîchement cuit.

Le petit grain de merveille

Dehors, ondulant sous la brise, se trouve le champ de teff effilé de Tsehay. Le teff est une céréale éthiopienne qui poussait de façon sauvage dans les plaines pendant des milliers d’années avant qu’il soit domestiqué. Maintenant, il occupe une place d’honneur en tant que culture de base du pays. Culturellement, il s’agit de l’une des plus importantes composantes de l’alimentation éthiopienne.


Les grains de teff sont minuscules! Photo : Adobe Stock

Tsehay ouvre sa paume pour me montrer une poignée de grains de teff. Chez les enfants partout en Éthiopie, le teff favorise la santé et stimule la croissance. Excellente source de protéines, il est aussi riche en minéraux de toutes sortes. Les minuscules grains de teff moulus et cuits dans l’injera ont une plus haute teneur en nutriments essentiels que le maïs, le riz ou même le blé.

Tsehay nous montre comment elle a mélangé le teff avec l’eau et la levure il y a trois jours avant de le laisser fermenter. La cuisson a lieu le troisième jour après le mélange, et le produit est dégusté avec des soupes et des ragoûts savoureux.

De la ferme directement à la table

C’est un parfait exemple du concept « de la ferme à la table ». Les mains fortes et calleuses de Tsehay labourent le sol et entretiennent les plantes pendant leur croissance. Elles cultivent et moulent les grains. Elles mélangent la pâte et la versent en spirales sur la plaque de cuisson.

Tsehay prépare l’injera à l’aide de son nouveau poêle. Photo : Dennis Prescott

Ces mains ont préparé l’injera pendant plus de trois décennies. Tsehay a commencé à apprendre peu après la grande famine éthiopienne des années 80. Elle était une petite fille de 12 ans, désireuse d’apprendre auprès de sa mère.

Après un certain temps, Tsehay était prête pour le grand rite de passage. Elle était finalement assez forte et responsable pour gérer le feu et la plaque de cuisson. Elle était assez agile pour soulever le pain plat à mains nues sans se brûler les doigts trop souvent.

« Ma mère m’a appris à faire l’injera », dit Tsehay avec un sourire. « Tout le monde ici apprend de sa mère. Ou de sa tante ou sa grand-mère. »

La transmission de la sagesse d’une génération à l’autre. J’ai pensé à mes deux filles au Canada, qui apprennent à préparer du pain aux bananes de leur propre mère.

Ayant appris, elles ne l’oublieront jamais. Et un jour, elles transmettront la tradition à leurs propres enfants. Ce sont ces souvenirs partagés, ces connaissances transmises, qui fortifient les familles.

Un poêle peut changer bien des choses

Mais l’injera est différent des gâteries du temps des fêtes au Canada, qui sont habituellement cuites dans un four moderne électrique.

« L’injera peut être dangereux à préparer », explique Tsehay en soulevant le bord de la crêpe pour voir si le dessous brunit. C’est bon, elle est presque prête à tourner. « Les petites filles ici font la vaisselle et aident à mélanger la pâte jusqu’à ce qu’elles soient assez grandes pour s’occuper du feu et du poêle. »

La cuisson est beaucoup plus sécuritaire et saine aujourd’hui par rapport à l’époque où Tsehay était petite. Elle a récemment reçu deux petits poêles à bois à haute efficacité grâce à un programme de Vision Mondiale. L’un des poêles est une grande plaque qui sert uniquement à cuire l’injera.

Avant l’arrivée des poêles, les femmes et les filles équilibraient dangereusement la plaque de cuisson sur trois roches au-dessus d’un feu ouvert. Elles devaient aussi passer jusqu’à quatre heures par jour à chercher du bois à brûler.

C’était la cause principale de la déforestation ici. Et se promener seules dans les bois, où les filles et les femmes couraient le risque d’être exploitées ou même kidnappées, était beaucoup plus dangereux que la préparation de l’injera.
 

Des enfants ramassent du bois à brûler en Éthiopie. Photo : Brett Tarver

Les poêles à haute efficacité ont soulagé cette crainte. Et ils sont meilleurs pour la santé. Les familles n’inhalent plus la fumée épaisse.

Goûter aux récompenses

L’injera est prêt! Tsehay a fait des douzaines de crêpes qu’elle dépose à plat dans un panier tissé appelé « sefed ». À mesure que les crêpes s’empilent, elles sont transférées dans un plus grand panier appelé « mesob ».

J’aurais voulu rester pour le repas du soir. Mon amour des traditions ici grandit. Tu ne peux te servir que de ta main droite pour manger. Tu prends la portion directement devant toi. Ne te lèche pas les doigts! Et commence chaque repas par le « gursha », la pratique de nourrir une personne que tu aimes de tes propres mains.

Selon un proverbe éthiopien, « celui qui mange seul, meurt aussi seul ». Ce proverbe pourrait sembler sinistre, mais il souligne à quel point « la nourriture, c’est la communauté » lors de tous les repas, tous les jours. Pendant mon temps dans la maison de Tsehay, je me sentais comme un membre de cette communauté, de cette famille, qui émettait autant de chaleur que l’injera frais.


Le délicieux produit fini, rempli de nutriments! Photo : Brett Tarver
 
Croyez-vous en un monde Sans faim? Apprenez-en davantage ici!
 
Par Brett Tarver

La semaine prochaine : la découverte d’une journée dans la vie des familles éthiopiennes continue alors que Brett dîne avec Debabash et sa famille.